YESTERDAY
YESTERDAY est un roman de Jacqueline Boyé.
"Chacun se reconnaîtra dans Yesterday !"
La dépêche du midi
LES PREMIERES PAGES DE YESTERDAY :
L’hiver s’étiolait, offrait sa place au printemps capricieux. L’été somnolait sous la chaleur torride. L’automne où les feuilles ressemblaient encore à des fleurs pointait à l’horizon. L’hiver réapparaissait, austère, froid, lugubre jusqu’à l’éclosion du printemps suivant… Tout n’était qu’un éternel recommencement. L’humain vieillissait à sa cadence et Reine, impitoyablement, écrivait au rythme des saisons. Le destin lui avait octroyé ce don et l’envie ne cessait de la tarauder.
Depuis quelque temps, assaillie par ses souvenirs de jeunesse, elle avait décidé de les inscrire sur l’écran de son ordinateur et, peut-être, d’en faire un livre. Elle pouvait encore facilement manier ses doigts fébriles sur le clavier et remerciait le ciel de ce merveilleux cadeau. A l’abri, dans son salon, confortablement assise dans son fauteuil et dos tourné vers la cheminée aux flammes alléchantes, elle réfléchissait. Et plus elle réfléchissait, plus ses souvenirs affluaient à une vitesse exceptionnelle et lui intimaient l’ordre de les écrire. Ses amis d’antan apparaissaient à sa mémoire d’une façon nette, précise, jusqu’à discerner le dessin des rides sournoises et les plis à venir sur les visages. Si elle revoyait tous ses anciens amis que le destin avait mis sur sa route, elle les reconnaîtrait sans aucun doute. Il en était ainsi de Michel (son premier amour) Jean-Claude, Charles, Jean-Louis, Jean, Patrick, Joseph, Henri, Anatole X, le petit prince, Francis connu à l’automne de sa vie ainsi que les autres, oubliés certes, mais restés enfouis quelque part dans son subconscient. Ils surgissaient parfois à l’improviste lors d’une conversation ou d’une mystérieuse pensée fugitive. Tous revenaient peu à peu à sa mémoire. Ce n’étaient que des connaissances sympathiques, des émotions et des amitiés éphémères où s’étaient mêlées joie, déceptions et souffrance. Certes, la traversée du désert avait bien souvent abîmé son cœur, mais jamais elle ne l’avait écrasé. Une protection veillait sur elle peut-être, tout simplement, parce qu’elle pensait que l’essentiel de l’existence se situait sur une autre dimension. Sa devise était « Fais-le Bien et passe… » Motivée par sa grande amie Micheline curieuse et avide de sa liberté, Reine prenait un grand plaisir à écrire ses aventures d’antan. En y pensant elle souriait tendrement à la naïveté de sa jeunesse. Recommencerait-elle la même vie si le grand Architecte, là-haut, le lui demandait ?
Un plongeon dans le passé…
Paris.
Trente-cinq ans ! L’âge idéal pour une femme éprise de liberté. Elle est libre, belle, insouciante, croit que l’avenir lui appartient. Parents, amis, relations, tous la soutiennent, l’aiment, l’envient. Elle saisit pleinement ces uniques moments de joie parce qu’elle sait que tout bouge et que jamais elle ne les savourera avec autant de plaisir qu’à l’instant même. Elle veut les goûter, les étreindre, et au diable les conséquences ! Elle a encore le temps. C’est décidé : elle ira rejoindre à Paris un ami qui lui plaisait jadis. Sa lettre, reçue ces jours-ci, a confirmé ce souhait. Elle n’est pas amoureuse. Elle aime simplement les aventures qu’elle sait pertinemment éphémères. Qu’importe ! Elle fonce.
Et la voilà dans le train.