Pardon de ne pas t'avoir désirée
La découverte d’une histoire pleine d’humanité à laquelle nous convie Jacqueline Boyé dans son nouveau roman.
Quel est l’homme qui ne s’est jamais posé de questions existentielles ? Nous sommes tous pris dans la spirale de la vie tout en étant semblables et cependant différents par notre physique, le mode de notre existence, l’héritage de nos gènes etc... Nos passages à vide, nos mauvais moments s’effacent, payés en retour en fonction de leur valeur. Nous avons tous notre destinée à assumer. « Que celui qui n’a jamais péché jette la première pierre. »
C’est toute la découverte d’une histoire pleine d’humanité à laquelle nous convie Jacqueline Boyé.
LES PREMIERES PAGES :
Sur les marches d’une église située dans un village lotois, une forme recroquevillée, tête baissée sous une couverture, tend la main vers les fidèles venus assister à la messe. Face à elle, un autre s-d-f, accoutré de la même manière, agite une clochette en portant sa main à la bouche. Il a faim. Il voudrait manger. Les gens passent, les regardent, certains s’arrêtent, jettent une pièce, d’autres continuent, indifférents. Aucun ne se demande pourquoi ces deux hommes sont là, accroupis, frissonnant de froid sous le vent glacial qui vient de se lever, simple constat de l’inhumanité du XXIème siècle.
Il neige. L’un des hommes se lève. Il semble jeune et va se réfugier sous le porche. L’autre, plus âgé, tente d’en faire autant, glisse sur sa jambe handicapée.
- Qu’est-ce que tu as à ta jambe ? Montre-moi.
Le plus âgé se rebiffe.
- Non. Ce n’est rien. Il faut bien crever un jour !
Interloqué, le jeune insiste et lui relève le bord du pantalon. Même rejet mais cette fois plus violent.
- Laisse-moi je te dis ! Tu as compris ?
Ses yeux lancent des éclairs. Le jeune n’insiste pas et va s’installer un peu plus loin. Quelques minutes passent. Le plus vieux finit par lui adresser la parole.
- Excuse-moi, la souffrance m’épuise et je n’ai rien pour apaiser la douleur. je ne t’ai jamais vu ici. De quel pays viens-tu ? De la Syrie ? De l’Afghanistan ? De l’Afrique ? de...
- De France dit l’autre d’un air caustique. Tu sais mon gars, la vie m’a tout donné, mais elle m’a tout repris. Je m’appelle Antoine et j’ai... cent ans ! mais aujourd’hui je viens de payer ma dette. Je suis libre. Allez, viens. Ne me pose plus de questions. Tu habites où ? Reste pas là, appuie-toi sur mon épaule. Tu sais, dans la vie chacun a ce qu’il mérite.
Que sous entendait cette réponse ? Surpris, l’homme âgé se tut, se hissa tant bien que mal sur ses genoux tremblants et vint s’asseoir sur une chaise en bois laissée sous le porche. Soudain la porte de l’église se ferma brusquement au nez des deux hommes qui se retrouvèrent seuls « riches » de trois pièces recueillies dans leur escarcelle.
Et la conversation de continuer...
- Tu dors où ? Demanda le plus jeune
- Sous le pont là-bas. La voie ferrée passe juste au-dessus, répondit l’autre en lui montrant la direction du menton. J’ai fabriqué un abri avec des cartons. En général dans ces endroits il fait moins froid. Nous jouons aux cartes avec deux copains. Oh ! Ce n’est pas terrible mais on est à l’abri. Parfois, pour la bouffe, une femme nous porte du couvent d’à-côté quelques légumes et des œufs. Si tu veux te joindre à nous, viens. J’ai de quoi chauffer une casserole et je dors sur un matelas, mais peut-être tu es attendu ?
- Non. Je sors d’un monastère. Merci de m’accepter pour cette nuit.