LE GIGOT A LA FICELLE
LE GIGOT A LA FICELLE est un roman de Jean-Marc SAVARY
" Un ouvrage qui vous donnera faim, autant par ses «odeurs» culinaires que par sa délicatesse d'écriture."
BSC NEWS
"Tel, La Fontaine, Jean-Marc Savary donne un «corps» à son texte et « une âme » en forme de morale qui vous surprendra. Un ouvrage qui vous donnera faim, autant par ses «odeurs» culinaires que par sa délicatesse d'écriture."
BSC NEWS
"C'est franchement un petit bijou de littérature à mon goût. J'ai savouré chaque page, ce livre fait désormais partie de ma petite collection personnelle. Je comprends pourquoi il y a eu et il y a encore de ci de là des lectures publiques tirées de ce livre, il le mérite bien. C'est à travers la littérature et l'art que des messages peuvent être délivrés, j'en suis convaincue, vous contribuez à cela vous aussi alors merci d'avoir écrit ce livre qui n'a pas fini de faire parler de lui."
Fabienne FERIGO
Il était une fois une femme passionnée par la gastronomie. Non pas celle des restaurants à la fourchette «design» et à l'addition indigeste mais celle affectueuse qui se déguste entre goût et bonheur sur une table cerclée d'amis. Les seules étoiles auxquelles elle prétendait ne la piégeaient pas dans la compétition des pages d'un guide et scintillaient tranquillement au-dessus des toits de son village des Corbières.
Au cœur de son antre trempé dans la mystique des marmites, elle cultivait sa foi rédemptrice contre l'ennui. Le sifflement du gaz enflammé élevait son âme. Le clapotis des ustensiles en inox l'exhortait à la croisière gourmande. L'encens des saveurs la hissait vers une extase savoureuse.
LES PREMIERES PAGES DE LE GIGOT A LA FICELLE :
Il était une fois une femme passionnée par la gastronomie. Non pas celle des restaurants à la fourchette « design » et à l’addition indigeste mais celle affectueuse qui se déguste entre goût et bonheur sur une table cerclée d’amis. Les seules étoiles auxquelles elle prétendait ne la piégeaient pas dans la compétition des pages d’un guide et scintillaient tranquillement au-dessus des toits de son village des Corbières.
Elle s’appelait Joséphine. Pour tous les villageois, elle se résumait en « Fifine », eu égard probablement à la grâce de sa personne et la légèreté de son caractère, mais nul ne peut écarter un rapprochement d’ordre impérial entre ce tendre sobriquet et la fameuse Fine Napoléon. Fifine en imposait par son humanité et son courage. Son histoire si récente méritait une chronique à classer dans les épopées héroïques des gens simples et forts qui se dévouent, sans fanfare ni couronne, pour un quotidien meilleur.
Agrippées à flanc de montagne, les rues du village s’élèvent en spirale vers la vieille église du 12ème siècle aux murs ocres et épais. Au cœur de l’été, des traces d’ombre subsistent ça et là, tant bien que mal, dans un recoin de ruelle, sous le feuillage d’un arbuste captif d’un jardinet. Tout est étroit, blotti, enchevêtré comme pour mieux se préserver du monde extérieur. Comme un rempart contre la modernité. Le silence y règne seulement contrarié par le départ et le retour de troupeaux de bêtes qui constituent la principale attraction. Silence souverain car garant d’une sérénité imperturbable prête à repousser toute agression citadine. Ici on se connaît, on se salue, on s’entraide aussi. Au-delà de ce rituel, point d’extravagance. Certes, quelques égarés se greffent à cet ordre établi. Des habitants occasionnels remontés des plaines enfiévrées pour animer les résidences secondaires. Ces maisons qui clignent du volet en fin de semaine, ou durant les vacances scolaires, participent finalement à la vie du hameau d’autant que ces propriétaires « secondaires » se révèlent souvent fils ou fille d’untel, vieille famille du pays. Ils se sont expatriés pour mieux gagner leurs vies au risque d’en perdre la santé et la qualité du sommeil. Alors, ils reviennent en pointillé, dès qu’ils le peuvent, pour respirer une ligne de grand air et s’inoculer un cassoulet salvateur.
Reste à signaler, pour être précis, les rares exceptions à la règle. Ceux dont on ne parle pas et dont la conversation se synthétise la plupart du temps en un « Hello ! » sonore ou un « Bye bye… » circonspect. Venus d’au-delà du froid, partageant un dialecte impénétrable, ils cultivent une blancheur de peau et un art d’acheter les biens à des prix incongrus. De la sorte, en quelques poussières d’années, des vieilles maisons se sont vendues contre des sommes vertigineuses au bénéfice d’autochtones éblouis à l’époque et repentis désormais. Les jeunes ne peuvent plus rien acquérir et s’en vont. Cet argent enivrant donne une sacrée gueule de bois et les anciens se réfugient dans la sérénité campagnarde pour oublier.
Ce village, ce bastion éternel, est le monde d’Aymé depuis sa naissance. Il l’aime et n’imagine même pas séjourner ailleurs. Il se définit lui-même comme un coquelicot, d’un rouge épanoui lorsqu’il est enraciné dans sa terre et qui s’étiolerait en une poignée de pétales fripés dans l’heure où, coupé, il serait plongé dans un vase d’eau. Aymé et son village ne sont qu’un pléonasme.
—Tu t’occupes des moutons de ton frère cette semaine ?
Fifine pose la question le nez plongé dans la comptabilité du café tandis qu’Aymé la regarde, amusé. Cette femme taillée dans un bloc d’énergie, c’est son amour, sa compagne ! Tout en elle conjugue finesse avec grâce, vivacité avec douceur… Mais tout vibre d’une puissance phénoménale, s’arme d’une détermination imparable, lorsqu’elle argumente de sa voix grave, un soupçon éraillée. Rien ne résiste alors à Fifine. Dans ces moments là, la colossale carcasse d’Aymé n’est que dérisoire virilité. Vaincue.
Son épouse, Aymé en est épris comme de son pays, cette terre occitane incendiée de lumière.
Le gigot à la ficelle en e-book