AU-DELA DU PASSE
Au-delà du passé est un roman de Dominiques LANDES.
Dans ce roman flamboyant, Dominique Landes nous entraîne dans une belle fresque située dans la période troublée de 1936 à 1945.
Dans ce roman flamboyant, Dominique Landes nous entraîne dans une belle fresque située dans la période troublée de 1936 à 1945.
LES PREMIERES PAGES DE AU-DELA DU PASSE :
A travers l’étroite fenêtre grillagée, un rayon de soleil vient éclairer la pièce obscure. Quatre lits en fer garnis de paillasses occupent l’espace.
Dolorès grande brune aux formes pleines essaie d’extirper les poux de la chevelure d’une fille grasse et fade prénommée Rosita assise sur un tabouret bancal :
-Ne bouge pas sinon je ne vais pas y arriver. Tu vas alors nous coller tes sales petites bêtes que je n’ai aucune envie d’attraper.
-Bien sûr Angelo, ton soupirant surveillant, n’apprécierait pas.
-Et alors ça te regarde. Il faut savoir y faire avec les hommes, dit-elle en haussant les épaules.
Recroquevillée sous la lucarne une fille maigre gémit et fredonne en berçant un chiffon.
-Regarde-moi cette taré de Sarah !
-Elle a beaucoup souffert soupire Rosita
-La vie est une lutte
Des cris parviennent d’une des couches. Sous une couverture élimée Lylou range ses menues affaires et vient de découvrir qu’il lui manque une culotte et un peigne.
-C’est toi qui me les as pris, apostrophe-t-elle Dolorès
-Alors, rétorque celle-ci, ses yeux perçants traversés d’une lueur sauvage, ici on partage, il te faudra t’y faire, la nouvelle. Tu vas voir demain quand le directeur va revenir et t’interroger, tu feras moins la fière !
Lylou fine et nerveuse, avec sa silhouette élancée et son charmant visage détonne dans cette sorte de cour des miracles.
Depuis sa récente arrivée à la prison de Gérone les jours et les nuits se succèdent interminables. La chaleur devient insupportable par moment. Des odeurs de graisse mêlées aux pestilences du caniveau de la rue en contrebas alourdissent l’air. La nourriture huileuse dégoute Lylou. Aussi elle touche à peine aux plats.
La nuit elle entend les rats courir le long des murs de cette prison infâme. Cet univers carcéral lui fait horreur. Elle ressent une impression de vide immense. Elle doit vivre un cauchemar. Qu’est-ce qu’elle fait là ?
Comment se trouve-t-elle dans une telle situation de détresse ? Des souvenirs familiaux lui font monter les larmes aux yeux. Elle prend conscience de son acte irréfléchi, insensé. Quelle folie d’être partie comme çà sur un coup de tête !
Ce premier amour lui paraissait si pur, si fort, si unique ! Elle y croyait tellement. Pour elle c’était une évidence : Miguel était l’homme de sa vie.
Alors elle se revoit un an en arrière, elle est au lycée mais ne s’y plaît guère.
Ses matières préférées sont le français et l’espagnol, les autres disciplines l’ennuient. Elle se tient un peu à l’écart de ses camarades. Elle dévore les romans d’amour passionnés et se nourrit de poésie. Le cocon familial, les jeux avec son frère lui manquent. La nourriture de l’internat n’est pas souvent à son goût. Aussi elle mange peu et perd du poids. A ce régime elle s’affaiblit et pense surtout aux prochaines vacances. Les semaines lui semblent interminables.
Finalement Lylou finit péniblement son année de première. Le médecin de famille consulté préconise du repos. Très fatiguée elle s’arrête au mois de mai et va apprécier les longues vacances qui vont suivre.
Là voilà qui retrouve la maison familiale, son frère Henri et sa sœur Justine. La famille habite Saint-Céré une jolie petite ville située au nord du département du Lot. Son père tient une quincaillerie qui marche plutôt bien, sa mère s’occupe de la maison.
Lylou ne veut plus retourner dans ce qu’elle appelle « sa prison ». Petite dernière d’une famille unie, elle languit trop de la chaude ambiance familiale. Là elle retrouve les odeurs de la maison : celle de miel dans la cuisine, de bois ciré, d’encaustique des armoires de noyer. De plus les études ne la passionnent guère.
Le matin, dans son lit de noyer bien ciré, elle écoute les bruits familiers puis se lève pour ouvrir toute grande la fenêtre de sa chambre et inspirer une bouffée d’air frais.
-Comme c’est bon, se dit-elle
Alors elle multiplie les promenades dans la nature comme si elle voulait s’imprégner de tous les endroits qu’elle affectionne. Elle parcourt les chemins rocailleux à la recherche de poireaux sauvages ou d’escargots.
En ce moment la petite ville sort de son calme habituel. L’arrivée de deux jeunes inconnus tout dépenaillés attise les curiosités. Ce sont des républicains espagnols. Ils ont dû fuir leur pays car ils ont participé à d’importantes activités terroristes et sont activement recherchés par la police de leur pays. Depuis le soulèvement des mineurs en Asturies l’an passé partisans de la droite et de la gauche se déchirent.
Ils ont eu la chance de pouvoir passer entre les mailles du filet et de franchir la frontière. Mais ils ont marché pendant des jours et des jours en se cachant, la faim et la peur au ventre. Epuisés ils sont dans un dénuement extrême.
Dans cette petite ville certains les regardent avec bienveillance mais d’autres avec méfiance voire hostilité. L’étranger a toujours suscité des sentiments d’attraits et de rejet.
Les villageois viennent leur apporter un peu de nourriture et des vêtements. L’un d’eux, blessé à l’épaule, doit être soigné.
Lylou et sa mère préparent un petit colis pour ces malheureux. C’est Lylou qui va aller le déposer dans une salle attenante à la mairie. Allongés sur le sol, hébétés de fatigue les deux hommes somnolent et ne prêtent pas attention à ce qui les entoure. Lylou pose son offrande près d’eux. Ils offrent un misérable aspect avec leurs joues bleues de barbe, leurs vêtements fripés et déchirés.
Elle aime soulager la misère, la détresse. Tout de suite elle ressent de l’empathie pour ces deux étrangers. Mais ils sont dans un tel état d’épuisement qu’ils ne la remarquent même pas.
De retour à la maison elle repense au sort de ces hommes sans aucune ressource, ne parlant pas le français.